Le CytoMégaloVirus (ou CMV) est un virus qui se transmet au contact de la salive, des urines ou des sécrétions nasales par exemple.
En France, une femme sur deux n'est pas immunisée et risque de contracter le CMV pendant sa grossesse. Il se transmet souvent au contact des enfants : par contact direct ou via les jouets, cuillères, tétines, etc.
Bien souvent asymptomatique, il peut aussi se présenter sous forme de symptômes grippaux, et peut être transmis au fœtus (40% des cas).
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C'est le cas de Maud, qui a bien voulu nous partager son vécu.
« Je m’appelle Maud j’ai 37 ans. Je suis l’heureuse maman de quatre adorables enfants. Je vais vous partager mon histoire, l’histoire de ma dernière grossesse, l’histoire de ma rencontre avec les trois lettres C.M.V.
Juin 2020, retard de règles. Le test est positif. J’ai déjà trois beaux enfants, Émile né en 2004 (16 ans), Adam né en 2007 (13 ans) et Léonie née en 2019 (16 mois). Trois grossesses idylliques, différentes mais sans encombre. Trois suivis classiques par mon gynécologue. Alors, pour cette dernière grossesse je choisis de ne pas suivre le protocole standard, de m’écouter. J’ai envie d’une grossesse moins médicalisée. Rendez-vous est pris avec Sophie, ma sage-femme, pour confirmer la grossesse, la dater et lancer les démarches. Tout se passe à merveille.
J’avais entendu parler de ces trois lettres, C.M.V. mais sans vraiment y prêter trop d’attention. Et puis je ne sais pas, parce que ma copine me conseille le dépistage, parce que j’ai une petite de moins de deux ans… je demande cette prise de sang à ma sage-femme. Sceptique, et en insistant, elle me donne l’ordonnance. « Vous êtes sûre de la vouloir ? »
Décidée je réponds d’un oui très assuré ! Je serais tranquille, sereine, je n’ai aucune crainte.
Je fais ce dépistage à mille lieux de m’imaginer la suite.
De toute manière il ne peut pas y avoir de risque, Léonie n’est pas encore en collectivité, je suis en congé parental.
J’effectue cette prise de sang un vendredi, d’habitude le laboratoire envoie les résultats dans un délai très court. Mais là…. Rien… je ne m’affole pas, sans doute moins de monde, veille de week-end…
Mardi, rendez-vous avec Sophie. Comme toujours, elle me met à l’aise, on discute et m’annonce qu’elle a reçu les résultats directement au cabinet.
Ils ne m’ont pas été adressés car c’est PO-SI-TIF ! Je suis positive au CMV.
Je ne mesure pas encore tout ce que cela veut dire. Sophie m’explique que ça peut être un faux positif et qu’il faudra refaire la prise de sang dans les quinze jours. Elle me déconseille fortement d’aller taper, sur la barre de recherche Google, les trois maudites lettres. Ces mots me mettent la puce à l’oreille, ça doit être sérieux si elle me demande ça ! Ne pas fouiner !
Je lui pose quelques questions, encore un peu sous le choc : ça veut dire quoi ? quels sont les risques pour mon bébé ? Le sol se dérobe peu à peu sous mes pieds ! J’ai des sueurs, je suis seule dans son cabinet, j’éclate en sanglots. Je crie, de peur, de douleur. Je suis anéantie, car le CMV peut causer des problèmes neurologiques, retards mentaux, troubles de l’audition voir surdité complète, cécité, mort in utéro, malformations, retard de croissance.
Le tableau est noir, très noir.
Elle me prescrit une seconde prise de sang et demande au laboratoire de rechercher sur mes anciens prélèvements si il y a déjà une contamination au CMV.
Il s’avèrera que ce n’était pas un faux positif. Un vrai de vrai. Une primo infection. J’ai attrapé ce virus à environ douze semaines de grossesse.
Sophie m’annonce qu’il faudra que je sois suivie par un gynécologue, surveillance accrue. Elle m’oriente vers une professionnelle disponible rapidement, bienveillante et très douce qui me reçoit la semaine suivante et m’oriente à son tour vers le Dr. M., gynécologue spécialisé à l’hôpital de Mulhouse. J’aurais donc droit, tous les quinze jours, à une échographie « poussée », sur écran géant, à Mulhouse et un suivi gynéco classique tous les mois sur Colmar. Pour un projet de suivi de grossesse non médicalisé je suis servie ! Mais c’est pour mon bien et celui de mon bébé.
J’accuse le coup.
Les jours, les semaines, les rendez-vous défilent. Les longues heures d’attente dans les couloirs, seules, Covid oblige. Les montagnes russes émiotionnelles, à chaque rendez-vous, tous les quinze jours…
Que va-t-on m’annoncer ! Est-ce que bébé va bien ?
Très vite, on me parle du protocole : amniocenthèse puis IRM fœtale en fin de grossesse. Et de mes éventuelles possibilités en cas de problème grave. Je dois aussi m’y préparer. Quel stress ! Quelle angoisse. Je suis pétrifiée. J’ai une peur bleue des aiguilles, des examens médicaux et des enjeux.
Octobre 2020, rendez-vous pour l’amniocnethèse. Mon conjoint est là. Ma bouche est soudée, aucun mot ne sors durant le trajet, ni dans la salle d’attente. Je n’ai pas parlé depuis que je me suis levée ce matin-là. Si je parle, si un seul son sors, je vais exploser émotionnellement, c’est très dur. On nous reçoit, ils sont nombreux dans la salle, cinq de mémoire : des généticiens, des sages-femmes, mon gynécologue. C’est très effrayant. Je suis tétanisée. On nous pose des questions, sur nos antécédents familiaux, nos habitudes de vie.
Ça y est, je suis installée sur la table, l’examen commence après de très longues minutes de protocole. Je suis tendue et mon gynécologue me parle, me distrait, me raconte une anecdote et voilà. C’est fait ! C’est terminé ! Je n’y crois pas. Je n’ai rien senti, absorbée à l’écouter, j’en ai oublié le contexte. Bien joué ! Nous pouvons repartir.
Nous attendons les résultats, il y a 3 scénarios possibles.
Le liquide amniotique prélevé est négatif, le placenta aura joué son rôle de filtre. Tout ira bien.
Le liquide amniotique prélevé est positif, il infeste bébé.
Le liquide amniotique prélevé est positif, il infecte bébé.
En médecine, infester signifie « entrer dans l'organisme et l'envahir », lorsqu'on parle de parasites. Ce dernier sens se rapproche du premier sens du verbe infecter, mais l'idée de contamination est absente du verbe infester.
Dans notre cas, le liquide amniotique est positif au CMV, le placenta n’a pas joué son rôle de filtre, bébé est infesté.
Cette nouvelle n’est pas réjouissante. On ne pourra pas souffler.
On nous parle des risques, de la possibilité de choisir l’IMG.
Le monde s’effondre à nouveau autour de moi. Pourtant, à l’écran, mon bébé est parfait. Aucune malformation n’est détectée, aucun retard de croissance.
Nous poursuivons les examens, tous les quinze jours. Il m’est impossible d’être sereine, de me projeter.
Et si je faisais les mauvais choix ? Un jour j’y crois, un jour j’ai peur, peur de perdre mon bébé, peur de prendre le risque de continuer cette grossesse. Peur de ces trois lettres, C.M.V.
L’IRM est réalisée en décembre. A 34 semaines de grossesse. Elle aura lieu à l’hôpital de Hautepierre à Strasbourg.
Je suis d’abord prise en charge pour faire une échographie de contrôle, encore une. Puis direction la radiologie. Il y a un monde fou, c’est effrayant, oppressant. Cet hôpital est gigantesque, tout comme mon ventre à ce stade. J’ai de la peine à marcher.
Nous arrivons dans la salle d’attente, le personnel est bienveillant. On nous explique le déroulement de l’examen. Tout se passe comme expliqué. On ressort et on attend les résultats. Le professeur en neurologie pédiatrique nous recevra dans les deux prochaines heures.
Le monde, MON monde s’effondre une nouvelle fois. Je ne sens plus mon corps, le son de ses paroles s’éloigne. Il y a une tâche sur les images du cerveau de notre fille. Le professeur ne peut expliquer quelle partie est touchée mais pour lui il y a un doute sérieux. Ça peut être sérieux, ou moins. J’éclate en sanglots, inconsolable. On regagne le parking, direction maison…. Je suis muette après avoir pleuré toutes les larmes de mon corps.
Les deux jours suivants, je les passe à dormir, pour me couper de tout, de la vie, des autres.
Mon téléphone sonne, je dors, je n’entends rien. Mais à mon réveil, je constate un appel manqué de mon gynécologue mulhousien. Je le rappelle. Il m’informe qu’il a reçu les clichés et le compte-rendu de mon IRM. Il a pris l’initiative de les transférer à l’hôpital Necker à Paris pour consultation, en commission avec les plus grands spécialistes en la matière.
« Je tenais à vous annoncer cette bonne nouvelle de vive voix : cette tâche n’est rien ! C’est une mauvaise interprétation des nuances de couleurs. Les clichés sont parfaits ! Nous sommes unanimes ! » Quoi ? Je n’ai pas compris ! Qui ? « Maud, vous pouvez souffler maintenant ! Un grand coup ! Tout va bien. »
Je n’ose pas y croire. Je ne réalise pas de suite. J’ai peur des montagnes russes, d’être à nouveau déçue.
Mais tout est ok et il décide d’annuler tous nos derniers rendez-vous en me disant de profiter des dernières semaines plus sereinement. Il me reste cinq semaines, cinq semaines pour trouver un joli prénom à cette demoiselle. Cinq semaine pour y croire. Je continue de voir ma sage-femme, une fois par semaine, elle m’apaise, m’épaule, me relaxe.
Maëlle naîtra trois semaines avant terme. 4kilos et 52 centimètres. C’est effectivement la plus petite et la plus légère de mes quatre enfants à la naissance. Un accouchement express, sans douleur, sans assistance, très physiologique, comme je l’ai rêvé.
A sa naissance, une batterie de test ont été fait : fond d’œil, tests auditifs, échographie cérébrale et tests urinaires et sanguins. Les test sanguins et urinaires sont revenus positif (évidemment) au CMV mais les tests auditifs, l’échographie et le fond d’œil sont parfaits.
Maëlle est asymptomatique.
Nous avons refait les tests auditifs à cinq semaines de vie puis à trois mois. Nous aurons un contrôle par an puisque tout est satisfaisant, jusqu’à l’âge de 7 ans.
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